Dans le cadre des rencontres avec les présidents de Parti, Le journal du Médecin fait le point sur les soins de santé: Jean-Michel Javaux et Sarah Turine depuis mi-2009 sont les co-présidents d’Ecolo. Dans quelques semaines, ils seront remplacés par un duo soit Muriel Gerkens et Benoit Hellings, soit Olivier Deleuze et Emily Hoyos ou enfin Marie Corman et Bernard Wesphael. Le monde de la santé, pour son implication parlementaire à la Chambre, connaît principalement la députée Muriel Gerkens parmi les nouveaux prétendants à la présidence du parti. Si Ecolo a participé à la réalisation de l’accord institutionnel avec le transfert de certains aspects de la santé vers les Régions et Communauté, il a été écarté de l’accord socio-économique du gouvernement. Pour Sarah Turine, le premier volet de la négociation est intéressant : « les Régions et Communautés vont pouvoir mieux travailler en matière de prévention maintenant que l’ensemble de la matière est transférée. »
La co-présidente attire toutefois l’attention de Mme Onkelinx : « La ministre fédérale de la santé aura toujours un rôle à jouer en matière de prévention. Elle garde notamment la possibilité d’interdire la mise sur le marché de produits ou de substances qui pourraient être dangereux pour la santé des Belges. »
Pour la co-présidente, la crise a un impact direct sur la santé des Belges. « C’est préoccupant pour les médecins sur le terrain. Les inégalités augmentent tant dans les villes que dans les milieux ruraux. Les médecins découvrent des patients de plus en plus en souffrance tant mentale que financière. » Dans ce contexte, Ecolo s’inquiète de voir le récent accord de gouvernement baisser la norme de croissance. « On ne peut faire des économies en matière de santé n’importe comment. On comprend que des efforts doivent être faits… mais on demande que l’on protège avant tout les patients et la première ligne de soins. »
Certaines mesures en faveur des médecins la laisse dubitative : « L’avenir d’Impulséo m’inquiète pour les médecins sur le terrain. On voit que l’accord du gouvernement prévoit une amplification des mesures. C’est bien, mais actuellement, les résultats des Impulséo précédents ne sont pas satisfaisants. Il y a toujours trop de zones où l’on constate des pénuries de médecins. Impulséo ne m’apparait donc pas comme la seule bonne solution. Je crois que pour sortir durablement de la pénurie de médecin, on doit penser l’avenir du pays en territoire de santé. En travaillant avec tous les acteurs de la santé de la première ligne, on permettrait, même dans des régions en pénurie, d’offrir une offre de soins plus importante » martèle-t-elle.
L’accord du gouvernement n’est pas rassurant non plus, selon elle, pour les patients diabétiques notamment. « De nombreux médecins généralistes attirent notre attention sur le projet de trajet de soins sur le diabète. Ils sont inquiets. Concrètement, les médecins vont devoir automatiser vis-à-vis de leur patient une série d’examens techniques qui ne seraient pas toujours nécessaires. A terme, ce trajet de soins pourrait réduire le rôle du médecin généraliste dans le suivi de son patient diabétique. »
L’avenir des maisons médicales est aussi bousculé par le récent accord de gouvernement : « On peut y lire qu’il y aura une diminution des budgets pour les maisons médicales. Ce n’est pas cohérent… lorsque sur le terrain, on doit faire face à une pénurie de médecins. Au contraire, je suis persuadée qu’il faut augmenter les maisons médicales sur le terrain dans les années à venir. Cela permettrait de répondre à la pénurie de médecin et à la volonté de plus en plus forte de nombreux médecins de travailler en équipe. Le gouvernement devra donc trouver de l’argent à terme pour ce secteur. »
Ecolo veut aussi lutter contre la charge administrative trop lourde des médecins : « Pour les bas revenus, il faut une automatisation du statut administratif médical comme Omnio. Cela serait plus simple pour le médecin. On constate qu’aujourd’hui, il y a encore trop de patients qui ne connaissent par leur droit ou qui ont trop de papiers à remplir. Il faut une simplification pour le médecin. Malheureusement, le gouvernement ne propose pas assez en la matière. »
Enfin, à proximité des hôpitaux, les médecins ont aussi un rôle à jouer. « C’est déjà le cas dans certains hôpitaux bruxellois. On doit intensifier le lien entre les médecins généralistes et les hôpitaux pour éviter que les patients se rendent aux urgences. Les postes de garde avancés de médecins généralistes comme à l’hôpital Saint Luc notamment apportent une saine complémentarité. »
Vincent Lievin
Au cœur de l’accord du gouvernement, l’avenir de la prescription de médicaments interpelle également la co-présidente d’Ecolo: « Je ne comprends pas pourquoi le modèle Kiwi a été abandonné par le gouvernement ! Cela aurait permis de faire de vraies économies. Dans la même réflexion, les médecins généralistes doivent augmenter leurs prescriptions de génériques et en DCI. Il est toutefois essentiel que le médecin garde un certain regard sur le médicament qui sera finalement délivré. »
Face aux problèmes du coût des médicaments, Sarah Turine croit à l’avenir de la prescription du comprimé à l’unité : « Le gouvernement doit aller dans cette direction comme au Canada. Cela permettrait une vraie diminution du coût des soins de santé. Il faut évidemment bien réfléchir. Cette mesure ne doit pas devenir une charge supplémentaire pour les médecins généralistes. Ce serait insupportable pour eux. Cette mesure serait aussi bonne pour les patients parce qu’elle réduirait l’automédication et le gaspillage. A long terme, c’est toute la Belgique qui bénéficierait d’une meilleure médecine. »
Sarah Turine regrette une certaine évolution de la vie des médecins généralistes : « Le médecin généraliste n’a plus le temps en ville d’être un médecin de famille. Je ne veux pas généraliser, mais c’est bien souvent une réalité. C’est pourtant une dimension humaine importante de son rôle ! »
L’évolution du Numerus clausus retient aussi son attention : « A la Fédération Wallonie-Bruxelles, je trouve que le compromis actuel est intéressant. Il faut pouvoir réorienter les jeunes étudiants. Pour le volet fédéral du dossier, il est encore un peu tôt pour savoir si le dossier va évoluer. Même si l’accord du gouvernement en parle, cela ne veut pas dire que l’on aboutira à une réforme. »
L’avenir des maisons de repos et des hôpitaux passera par de grandes réformes, reconnaît-elle. « On ne peut plus attendre pour entamer un profonde changement de la nomenclature hospitalière. Trop d’actes de médecins ont évolué en 10 ans ! Tout doit être remis à plat et vite. A propos des maisons de repos, on devra évidemment dégager des moyens financiers. Toutefois, ceux-ci n’étant pas extensibles, une réflexion sera menée sur les résidences services et le maintien à domicile. Les médecins devront y être associés. Il est en effet essentiel de garder une certaine proximité entre les personnes concernées et les médecins généralistes. Ce n’est pas encore assez le cas actuellement. »
Face à des problématiques comme celle de la vaccination HPV, Ecolo veut plus d’expertise. Pour les Verts, les médecins généralistes sont les mieux à même d’éclairer leur patient mais ces derniers doivent être correctement et suffisamment alertés en amont des éventuelles contre-indications et conséquences problématiques des vaccins administrés. Concernant le HPV, le Conseil Supérieur de la Santé recommandait en 2007 déjà qu’en cas d’introduction de la vaccination, un système de surveillance, soutenu par des registres, soit mis en place en accordant de l’attention à l’efficacité et aux effets indésirables à long terme de la vaccination et réalisant un monitoring des types de HPV.
Enfin, si elle disposait de plusieurs millions d’euros, Sarah Turine investirait dans les soins de première ligne et les métiers en pénurie. « On ne peut avoir des soins de qualité dans un pays que si on dispose d’un nombre suffisant de médecins et d’infirmières de qualité » conclut-elle.
Vincent Lievin
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