"J’avais calculé que chaque biberon de lait tiré dans les toilettes de mon entreprise me coûtait 12 francs sur mon salaire de 34 francs l’heure», raconte, dépitée, une Genevoise de 29 ans. C’est la seule femme en Suisse qui soit allée jusqu’aux prud’hommes pour pointer une lacune législative de taille: si l’ordonnance de la loi sur le travail prévoit que «l’intégralité du temps consacré à l’allaitement est réputée temps de travail lorsque la travailleuse allaite son enfant dans l’entreprise» (art. 35 a), et moitié moins si l’allaitement a lieu à l’extérieur (art 35 b), rien n’oblige néanmoins à rémunérer ce laps de temps. Or, c’est précisément ce flou-là qui doit être levé pour que la Suisse puisse ratifier la Convention sur la protection de la maternité de l’Organisation internationale du travail (OIT). Si la procédure de consultation s’achève actuellement, les Chambres ne se prononceront pas, elles, avant des mois. (source: tribune de Genève)
La fillette de la plaignante genevoise a aujourd’hui 2 ans. Mais le litige n’a pas beaucoup avancé. La jeune femme a été déboutée l’hiver dernier et son recours est en cours. La procédure pourrait encore durer des années. L’enjeu? Une poignée de francs. «Je me suis absentée deux fois vingt minutes par jour durant trois ou quatre mois. Je devais pointer mes pauses. Mon employeur a systématiquement défalqué de mon salaire ces 40 minutes quotidiennes.» En l’occurrence, sur son salaire à temps partiel (60%), cela représente 170 francs mensuels durant trois ou quatre mois. Son employeur, une filiale de la SSR, a dû dépenser bien davantage en engageant une pointure pour avocat.
«C’est un mauvais calcul!» s’étrangle la conseillère aux Etats Liliane Maury Pasquier (PS/GE), à l’origine de l’initiative parlementaire qui demande la ratification de la Convention de l’OIT. «Les conséquences économiques pour l’entreprise sont une goutte d’eau dans la mer.» Et d’ajouter: «Sans parler de la relation entre santé publique et productivité! Officiellement, on recommande d’allaiter son enfant durant les six premiers mois. Officieusement, on n’en donne pas – ou peu – les moyens aux mères. Cela influence la décision d’arrêter l’allaitement. Or la santé pèse sur l’entreprise de manière indirecte.»Pourtant, pour le patronat, c’est niet. «C’est à chaque entreprise de régler cette question», explique Ruth Derrer Balladore, responsable du droit du travail à l’Union patronale suisse. A l’UPS, la règle est simple: «Si une modification de la loi est nécessaire, nous sommes contre la ratification d’une Convention. Mais nous sommes pour quand il ne faut pas retoucher la législation.»
Le projet d’arrêté fédéral pour modifier la loi devrait être prêt pour le printemps. S’il passait la rampe devant les Chambres, la Suisse pourrait ratifier la Convention de l’OIT qui a fait peau neuve en… 1985. (source: tribune de Genève)
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